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Dans la peau de Toribio, petit paysan paraguayen / Faim et Développement Magazine

Les 20 et 21 octobre, 200 personnes ont participé au « Festin solidaire » organisé par le CCFD au Musée de l’homme, à Paris. Les visiteurs ont pu se glisser dans la peau de petits paysans du Sud. Une exposition coup de poing.

En entrant dans l’exposition, vous avez appris que votre personnage, Toribio, est un petit paysan du nord est du Paraguay. Il nourit ses quatre enfants en chassant et cueillant les fruits de la forêt. Mais un jour, des hommes armés l’expulsent de sa terre pour y planter du soja OGM destiné à nourrir les élevages européens de bœufs, de porcs et de volailles. Toribio, lui, ne consomme pas de viande et le visiteur qui mange son repas au cours du « Festin solidaire » se contente des pommes de terre, de quelques haricots rouges et d’un biscuit !

Ce jeu de rôle fonctionne comme jeu de miroir : il permet aux participants de prendre conscience de ce qui peut être entrepris ici pour améliorer l’existence de ceux qui vivent là-bas.

À l’image de Toribio, dix personnages ont été été imaginés par le CCFD et Cécile Delalande, la directrice de l’association Ars Anima qui a conçu l’exposition. Il y a Cissoko, un Sénégalais dont la production de tomates est menacée par les importations en provenance du sud de l’Espagne, Pongtip, une Thaïlandaise qui ne parvient pas à faire vire sa famille avec sa production de riz destiné à l’exportation, ou Jacques, éleveur des bovins en France qui subi de plein fouet la crise de la vache folle…

Et puis c’est déjà la fin du repas. Vous êtes debout, entouré des autres Toribio d’un jour. Vous vous surprenez à lever votre verre (vide), la gorge légèrement nouée par l’émotion et à proclamer avec les autres participants : « Je m’engage à être vigilent sur les produits alimentaires que je consomme, à privilégier les produits cultivés localement, à réfléchir à mes besoins réels, à interpeller les pouvoirs publics pour qu’ils mettent en œuvre des politiques plus justes à l’égard des agriculteurs des pays les plus pauvres. »

Quelques applaudissements retentissent, les cinq comédiens du « Festin solidaire » entonnent une chanson créée pour l’événement. Alors, seulement, cette plongée en apnée se termine. Vous êtes encore sonnés, mais il est temps de refaire surface. « Cette façon de communiquer permet de toucher du doigt tous les combats du CCFD ,souligne un bénévole des Hauts-de-Seine qui s’est glissé dans la peau d’un paysan de Bornéo. On comprend l’intérêt des campagnes poulet ou celle du soja, on est sensibilisé aux dangers des agro-carburants et à l’importance de la souveraineté alimentaire… Tout ce pour quoi on se bat depuis des années est expliqué de façon très pédagogique. »

On ne sort pas indemne de cette exposition organisée à l’occasion de la journée mondiale de l’alimentation. Et c’est bien le but recherché : on vit ce Festin solidaire comme un coup de poing. Le CCFD a réussi son pari et l’empathie est une bonne méthode pour amener le visiteur à s’interroger : pourquoi 850 millions d’êtres humains souffrent-ils de la faim alors que la production alimentaire a doublé depuis les années 50 ? Pourquoi les trois-quarts des mal-nourris sont-ils des travailleurs agricoles ? Comment pourra-t-on nourrir 9 milliards d’être humains en 2050, tout en préservant l’homme et la planète ?

Pour Gilles Hirzel, le représentant de la FAO en France, « nous ne devons pas oublier que le nombre de mal-nourris est en augmentation dans le monde depuis 5 ans. Il est urgent de trouver de nouvelles façons de communiquer et d’impliquer le public sur ces sujets. La grande force du message délivré par le Festin solidaire est là : il s’adresse à la sensibilité de l’individu autant qu’à sa réflexion, tout en en n’oubliant pas l’aspect collectif de la lutte. C’est une remarquable synthèse. »

Séverin Husson,
publié dans Faim et Développement Magazine